Réflexion du Père directeur pour le 7e dimanche ordinaire (Lc 6,27-38)
Je t’aime malgré tout…
Qui est ennemi ?
La spécificité de l’amour au sens chrétien du mot, consiste à aimer tout le monde, sans distinction. C’est l’amour sans frontières ! L’amour qui permet d’aimer même les ennemis. Mais qui est ennemis ? Dans l’Ancien Testament, les ennemis des Juifs sont ceux qui adorent les dieux étrangers (cf. 2 Ch 19,2; Ps 26,5). Dans les béatitudes de Luc, les ennemis des chrétiens sont ceux qui les persécutent (cf. Lc 6,22; 21,17). L’ennemi c’est aussi celui qui agit envers autrui de manière injuste et malhonnête (cf. Lc 6,29-30).
Que faire pour l’ennemi ?
Dans l’Ancien Testament, on trouve des passages où les Juifs sont invités à être miséricordieux envers leurs ennemis (cf. Ex 23,4-5; Pr 24,17; 25,21). Les Grecs aussi enseignaient à leurs enfants la miséricorde envers l’ennemi: «Mon fils, si ton ennemi vient chez toi pour le mal ou le bien, reçois-le», disait Epithète. Sachant bien la difficulté de cultiver l’amour envers les ennemis, Jésus a donné à ses disciples des directives concrètes pour s’en sortir:
«Faites du bien à ceux qui vous haïssent». L’attitude du chrétien envers ses ennemis ne peut se limiter à des simples salutations ni à un sourire sentimental. Jésus recommande des gestes concrets. Comme le bon samaritain qui vole au secours d’un membre de la communauté juive, ennemie jurée du peuple samaritain (cf. 10,29-37). Si Jésus nous demande de faire du bien à nos ennemis, c’est parce que les bonnes actions accomplies avec un amour profond et sincère libèrent une énergie susceptible de détruire la haine chez l’ennemi et de faire de celui-ci un ami.
«Bénissez ceux qui vous maudissent». Le verbe grec eulogeô, traduit par «bénir», signifie aussi «agir bien envers quelqu’un», «louer quelqu’un». Souvent, la haine étend le voile de préjugés sur nos yeux et nous empêche d’apprécier un ennemi à sa juste valeur. On tend ainsi à méconnaître même ses qualités les plus évidentes. «Louer» un ennemi signifie l’apprécier de manière objective, en distinguant ses défauts et ses qualités. Reconnaître les qualités de l’ennemi est un acquis important pour dialoguer avec lui.
«Priez pour ceux qui vous calomnient». Jésus lui-même l’a fait sur la croix (cf. Lc 23,34). Prier à l’intention de l’ennemi vaut la peine puisque c’est Dieu seul qui peut toucher son cœur pour le ramener aux bons sentiments.
«Ne rendez à personne le mal pour le mal». En Luc 6,29-30, Jésus formule trois recommandations pratiques à observer face à l’ennemi : « À qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre ; à qui t’enlève ton manteau, ne refuse pas ta tunique. À quiconque te demande, donne, et à qui t’enlève ton bien, ne le réclame pas ». Présente l’autre joue à celui qui te frappe… « Et pourtant quand Jésus reçut la gifle du serviteur du grand prêtre, il protesta tout de même (cf. Jn 18,22-23) », diraient certains. On ne peut réfléchir dans ce sens que si l’on s’adonne une interprétation littérale des paroles de Jésus en Luc 6,29-30.
Au lieu de s’en tenir à une observance littérale de ces trois recommandations, il serait mieux d’assumer plutôt leur esprit. Saint Paul nous résume l’esprit de ces recommandations en ces termes: «ne rendez à personne le mal pour le mal» (Rm 12,17).
Il existe deux raisons pour lesquelles il faut éviter de rendre le mal pour le mal. D’abord, on ne récolte que ce qu’on a semé (cf. Ga 6,7). Ainsi, rendre le mal pour mal c’est permettre au mal et à la haine d’accroître en nous et autour de nous. A la longue, le mal que nous rendons aux autres peut prendre un engrenage qui risque d’échapper à notre contrôle jusqu’à nous engloutir. En plus, la haine est nocive pour celui qui la cultive: elle rend aigri, elle déforme et durcit le visage de l’homme comme celui de Caïn (cf. Gn 4,5).
Roger Wawa, ssp